Des fourmis dans les jantes - Episode VII

Du bonheur en Tranche

Après quatre jours d’infaillible hospitalité, le constat est clair : cette parcelle d’océan est conforme aux joyeusetés qui me sont décrites depuis quinze ans. 

Ainsi à la grande braderie de l’île, on trouve des convois de vélos prédécathloniens usant des pistes recyclables, de la pétanque et des dancings. Tout ça à travers des bourgs honorables et leurs essaims de volets, papillons verts égayant les façades immaculées des maisons (le patrimoine immobilier fait l’objet d’un blanchiment soigné).

Je retraverse l’île, reprends le pont puis la voie rapide vers La Rochelle. Avec dans le dos la tape amicale du vent qui semble pressé de me reconduire sur le continent. Pendant que l’aiguille du compteur pique le 100. 

À Rochefort je décroche pour prendre au sud. Passe par Brouage, port fortifié rattrapé par les marais, sentinelle martiale qui surveille les invasions de moustiques.

Sacrifiant Marennes, j’entre dans la Tremblade et arrive par la route forestière à Saint-Palais. 

Saint-Palais

Avec sa plage des familles et ses villas prospères, Saint-Palais-sur-Mer évoque ce qu’a pu être sa voisine Royan avant les modifications radicales apportées au plan d’urbanisme en avril 1945. 

Chaleureusement accueilli par Grégoire, je m’offre une halte d’éco-tourisme et de visites culturelles. Passés ces quelques jours, je remonte le pays de Saintonge, continuant à travers le marais poitevin. Je surveille ma progression sur la carte avec un maximum d’attention. Dans ce paysage lacustre, les routes se fondent dans un dédale de canaux dessiné pour perdre le mopeur. Malgré tout j’arrive triomphalement à destination. Venise vidi vici.

Une nouvelle fois je parviens à bon porc, puisque je fais étape à la Tranche-sur-Mer, station balnéaire sous cellophane. Le soir venu, dans un même mouvement les visiteurs migrent des boutiques d’artisanat vers les tables de la gastronomie du terroir. Voyageant ainsi du savoir-faire du Sichuan à l’excellence napolitaine.

Le lendemain, il est temps de mettre le cap à l’est. Traversant la Vendée, je fais escale à Mouilleron-en-Pareds. Le bourg tire son prestige de Clemenceau, qui a vu le jour sur cette terre, et du Maréchal de Lattre, qui la nourrit par dessous. Le jour où nos grands-hommes seront tous coffrés au Panthéon, s’en sera fini du chapelet de souvenirs qui jalonnent les routes de l’hexagone et des villages enorgueillis par des moustachus référencés aux noms propres. Alors vive Mouilleron-en-Pareds, Sète et Montboudif. 

Et vive la D 949.

Continuant dans les Deux-Sèvres, la cité médiévale de Thouars annonce la Touraine et une nouvelle chaîne de châteaux. Je patrouille rapidement entre les pierres classées, et cherche un refuge dans la campagne de Chinon. Remontant la Vienne sur une route arborée, la Mash renifle un chemin agricole. Longeant un champ de maïs, elle absorbe sans difficulté nids de poules et racines, pour venir s’accroupir sous un hêtre protecteur. 

Pas loin des vaches, je monte fissa notre campement entre chien et loup, avant d’aller plumer un coq au vin autour d’un carafon de Chinon.